LES LEGENDES DE GIENS (Vincent Borel)


On entend parfois des Hyérois appeler, un peu péjorativement, les habitants de Giens les barbares ou les sauvages. Personne, jusqu’ici, n’avait pu me donner une raison précise à ce surnom. On vous parlait bien des naufrageurs d’Escampobariou, mais c’était trop vague pour être une explication.


Or, dernièrement, un vieux hyérois s’est souvenu d’une légende qu’il tenait lui-même de ses parents et grands-parents. Elle est si belle que je ne peux m’empêcher de vous la communiquer.


Le monticule Arbianosc

Parmi tes premiers habitants de nos côtes hyéroïses, on peut citer les celto-ligures qui vivaient, entre autres sur les collines qui surplombent la future cité d’Olbia. Ce monticule portait le nom d’Arbianosc. Ils étaient d’un abord difficile et très ombrageux, aussi mirent-ils longtemps à accepter de vivre en bonne intelligence avec les Grecs qui, venant de Massalia (Marseille) voulurent implanter une ville sur ce site.


Ce n’est que très progressivement qu’ils commencèrent à vivre près de cette nouvelle cité, puis au fil des intrigues amoureuses et des mariages, à vivre ensemble. Les plus coopératifs s’entendirent avec les Grecs et ne formèrent plus qu’une seule communauté, tandis que les plus opposants se regroupèrent sur la Presqu’île de Giens. Très vite, ils furent connus pour être peu enclins à vivre en bonne intelligence avec les autres (heureusement au cours des siècles, ils changèrent...). De là, il n’y avait qu’un pas à les traiter de sauvages ou de barbares et il fut vite franchi.


Comme ils venaient d’Arbianosc et qu’ils n’avaient rien changé de leurs anciennes habitudes, on les appela tout naturellement les Arbianencos. Vous comprendrez qu’avec le temps et les déformations cela devint rapidement Arbanen, il était normal que ce soit une des nombreuses origines du nom d’Arbanais.


Puisque nous sommes dans les légendes sur Giens, j’aimerais ici citer celle traitant de sa création et qu’aimait tant raconter le regretté Gustave Roux.


Les filles d’Olbianus

Bien avant l’arrivée de nos celto ligures sur nos côtes, la région vivait sous la loi du prince Olbianus. Celui-ci était très aimé des rares habitants de l’époque qui s’émerveillaient de la beauté de ses quatre filles.


Celles-ci, ce qui est rare pour l’époque, étaient d’excellentes nageuses et avaient tout le loisir d’évoluer devant lui sur une mer vierge, les îles n’existant pas encore.


Alors qu’il prenait tout son plaisir à voir évoluer ses naļades de filles, le Prince vit arriver une flottille qui ne pouvait être qu’ennemie.


Pris de panique, il essaya de réunir tout ce que la côte comptait de loyaux serviteurs pour aller à leur secours. Le temps ne lui suffisait plus et son angoisse était décuplée par les cris de ses filles qui avaient aperçu le danger.


Il allait être trop tard, il n’avait alors qu’une ressource se jeter à terre, supplier des Dieux de lui venir en aide, et son voeu fut en partie exaucé.


Alors que les ennemis étaient sur le point d’atteindre ses quatre filles, de les prendre et de leur faire subir je ne sais quels outrages, elles furent pétrifiées et ainsi naquirent nos quatre îles d’Hyères.

Comme souvent, le père avait un penchant pour sa dernière fille. Etant la plus jeune et la meilleure nageuse, c’est elle qui se rapprocha le plus du rivage et donna naissance à Giens.


On peut encore voir que, dans un dernier acte d’amour, elle tendit les bras vers son Père et qu’ils furent aussi pétrifiés c’est maintenant les deux langues de terre qui, à l’est et à l’ouest, forment les tombolas.


Comment ne pas croire une si belle histoire ?